Ré-engager les seniors, source d'innovation pour les entreprises

Auteur : Emmanuel Lavergne

Date : 20/05/2020

Seniors, soyez intrapreneurs !

Le MEDEF, par la voix de son Président, Geoffroy Roux de Bézieux, exprime lors de la rencontre des Entrepreneurs de France 2019, qu’une des conditions de réussite de la nécessaire réforme des retraites est "Que nous, les entreprises, nous faisions un véritable effort pour conserver et employer nos salariés de plus de 60 ans." 

Or, si beaucoup d’actions sont menées aujourd'hui pour aider les seniors à retrouver un emploi, trop peu le sont pour les aider à conserver non seulement leur emploi mais aussi pour se réengager. 

Les travaux en cours suite au rapport Bellon-Soussan-Mériaux présenté à auprès de Muriel Pénicaud le 14 janvier y contribuent certes, mais il est possible d’approcher également le sujet sous l’angle de l’intérêt des organisations et des motivations des salariés.

Réengager les seniors, est-ce utile ?

Oui sur le plan sociétal comme sur celui de l’efficacité et des coûts.

Bien qu’en amélioration, le taux d'emploi les seniors selon les études est en France de 10 à 15% inférieur au reste de l’Europe ou l’OCDE. Le désengagement des seniors par rapport à d’autres catégories saute aux yeux dans les enquêtes comme celle récente de Siaci Saint-Honoré qui montre que seuls 16 % d’entre eux se déclarent très satisfaits. Vue par les seniors, la qualité de vie au travail plus serait deux fois supérieure en Finlande par rapport à la France.

Les études notamment nord-américaines, montrent que l’âge moyen des innovateurs est proche de la cinquantaine. Plus encore, certaines montrent que cet âge moyen  augmente plus rapidement que l‘espérance de  vie. Chez LVMH et Safran, la moyenne d’âge des intrapreneurs dépasse les 45 ans.

Bureau Veritas, Decathlon ou les Canadiens de CGI qui ont investi le site seniorjob.fr comme réponse sociétale aux difficultés de recrutement donnent l’exemple mais le chemin reste encore à faire à l’intérieur de nombre d’entreprises.

Deux DRH de grands groupes du CAC40 me disaient récemment qu’ils souhaitaient vraiment limiter les doublement coûteux départs des seniors. 

Ce qui se voit à l’extérieur… se passe à l’intérieur

En effet, avant même le genre, l’âge reste la première source de discrimination à l’embauche.

Une directrice des Talents d’une entreprise du CAC40, dame dont l’âge se situait entre 55 et 58 ans, me disait récemment que sa priorité était de gérer les quelques centaines de talents de 25 à 40 ans…. Je n’ai osé lui demander de lui demander comment elle vivait le fait d’être considérée comme non prioritaire par son entreprise…et par elle-même. L’abnégation des DRH confine parfois au masochisme.

Evidemment, tout cela, les seniors le perçoivent. Et se désengagent, d’autant plus que leur santé et celle de leur proches les préoccupent. Et au-delà des seniors, les plus jeunes perçoivent que leurs ainés sont négligés…  Qu’en font-ils alors pour eux-mêmes en termes d’engagement ? Les seniors ne sont-ils pas modélisants, tant chez les ouvriers que chez  les cadres ?  Servent-ils d’exemple ? ou de contrexemple ?

Motivations : les seniors des DRH et des marketer sont-ils les mêmes ?

C’est sans doute une des clés insuffisamment prises en compte. Le senior des DRH a 45 ans et celui des marketers a 50 ans. Pourquoi ? Parce que c’est à 50 ans que se produisent le plus de chargements de vie, santé, recherche de qualité  et de sens plus marqués…  Les seniors ont même souvent un besoin de s’engager plus fort, car il passe par le souci de conserver l’intérêt de leur travail  Aussi, l’intérêt du travail des seniors s’oriente souvent vers des buts nouveaux (une recherche personnelle), et il s’investit en fonction de la facilité d’accès et la disponibilité de moyens, la capacité à négocier des aides (transmission contre moyens)… 

Santé et Salaire, des freins qui n’en sont pas vraiment

C’est pourquoi, même si la baisse des capacités physiologiques est avérée, l’efficacité mesurée est similaire La baisse de capacités physiques est compensée par une conscience plus aiguisée qui atténue même les stéréotypes et leur productivité est supérieure, car ils savent utiliser leur énergie à bon escient.

Quant au salaire, il reste un vrai frein qu’un simple article ne permet pas d’aborder. Du coté des salariés, la cinquantaine, c’est le moment où la charge des enfants et celle des parents peuvent croitre ensemble. C’est aussi le moment où interviennent des séparations. Pour certains,  c’est aussi un gage de statut social. Difficile de faire des impasses donc, et c’est pourquoi le ré-engagement interne dans l’entreprise doit être favorisé.

Il est donc important de leur apporter sécurité financière, leur permettre de développer un projet dont ils portent sens, les aider à prendre en compte les opportunités et les risques de l’environnement.

Le salaire est également une question très présente à l’esprit dans les équipes RH. Les coûts salariaux des seniors notamment posent la question de leur engagement dans la durée et du rapport rétribution / contribution. Aborder pleinement la question  de la motivation, c’est nous donner une nouvelle vision des possibles, où la rétribution est bien plus que la rémunération, et la contribution bien plus que la production.

Des quinquas autant capables de créer leur start-up que leurs enfants de 20 ans !

Les motivations des seniors sont souvent bien plus précises que celles de leurs cadets. S’y ajoutent disponibilité, méthodes, autorité, culture, et surtout la connaissance de soi (forces et limites), et des environnements qui favorisent les réussites.

Des premiers exemples montrent de groupes dans lesquels l’intrapreneuriat ouvre des perspectives. Chez Safran, La Poste, Airbus, par exemple, l’intrapreneuriat commence comme réponse à des aspirations personnelles conjuguées avec des intérêts stratégiques des organisations. Dans d’autres comme Vinci, les initiatives me semblent même un prolongement de l’ADN. Dans un groupe énergétique, comme dans telle usine, les initiatives sont prises, en concertation, par des seniors qui ont enfin l’occasion de mettre leurs idées d’amélioration et de transformation à l’épreuve. N’est-ce pas cela qui fait l’esprit d’entreprendre ? 

Les entreprises qui n'innovent pas sont celles qui laissent partir les seniors !

Les organisations qui valorisent les seniors réussissent.

Les seniors qui s’engagent vivent mieux et plus longtemps.

Au début de mon périple au Canada en 2017, fin juillet, je me retrouve à l’Alliance Française de Toronto en compagnie d’entrepreneurs d’origine française que rencontre Roland Lescure, actuel Président de la Commission économique de l’AN qui venait d’être élu député des français d’Amérique du Nord.

Quelle surprise et quelle joie de voir des femmes et hommes de 50 60 et 70 ans porter 4, 5, 6 projets de création d’activité. Je me souviens de Jacques qui venait de découvrir un plasma sanguin exceptionnel en Corée. ; Jacques partait quelques jours plus tard pour en négocier la distribution exclusive en Amérique du Nord. Ah oui, Jacques avait alors 70 ans…

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Principales sources publiques

  • Work across the lifespan, Detroit 2019.
  • Lifespan Perspectives on Work_Motivation
  • Baromètre du Défenseur des Droits, fev 2017, 
  • "The Workforce View in Europe 2019" par ADP 
  • France Stratégie, Rapport les seniors, l'emploi et la retraite oct 2018
  • OCDE, Pole Emploi

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