Être nommé dans un Comex (Comité exécutif ou ExCom en anglais) est un Graal qui fait pâlir d’envie les prétendants et force l’admiration des collaborateurs. Le parcours pour y arriver est une succession d’épreuves. Mais elles sont peu, comparé à ce qui se passe après. Aux yeux de ses anciens collègues, l’élu(e) passe dès lors pour un demi-dieu ou déesse, nimbé d’une part de mystère. Que se passe-t-il réellement derrière la porte ? Quels égos s’affrontent dans des combats dignes de l’Olympe ?

La réalité est bien plus simple, 4 écueils sont à éviter

C’est un aller sans retour : une fois le Comex intégré, il n’est plus possible de revenir simple mortel et réintégrer une position moins exposée dans l’organisation. Sauf à devenir PDG, à être promu à un poste de dirigeant Europe ou Monde, ou nommé « chargé de mission », le prochain poste sera souvent … dehors de manière plus ou moins fluide : rupture, retraite, nouvel employeur, aventure entrepreneuriale… Chacun est alors confronté à ses propres limites.

C’est l’illusion du pouvoir : seul le dirigeant dispose personnellement de tous les leviers (et encore…), un membre de Comex dispose en réalité de peu de pouvoir, à l’exception de sa fonction. Aussi la qualité et la réussite des décisions complexes prises en Comex repose finalement sur d’autres collègues et sur les responsables opérationnels. Cela peut frustrer certains nouveaux entrants qui passent du commandement d’un régiment à un état-major, d’un pouvoir hiérarchique à un pouvoir d’influence. C’est là que l’on entend parfois les critiques de la ligne managériale. “Ils n’ont rien compris, ils ne sont pas pro actifs”. Eh oui, les équipes poussent les nouveaux dirigeants à mobiliser leur nouveau « pouvoir » pour résoudre – enfin – leurs problèmes.

Des miroirs déformants plus connus mais toujours piégeux :  ce qui remonte à un dirigeant est « une » ou des réalités, souvent celle que les autres croient qu’il aimerait entendre, ce qui les valorise ou en dévalorise d’autres… Les (trop) bonnes nouvelles cachent parfois leur lot de futures désillusions. « Je crains les grecs porteurs de présents » disait Virgile. Certaines organisations forment ainsi leurs hauts dirigeants à décoder des « bullshit dashboards » afin de faire ressortir une « réalité » plus réaliste.

Le repli sur son rôle : des grands maux qui rongent les Comex, la faiblesse du débat, la difficulté à surpasser les désaccords et le manque d’ownership sur les objectifs collectifs est le principal. Exercer en même temps leadership et followership est la marque de grands leaders. Pas facile lorsque le Comex dépasse 8 personnes de s’engager ensemble, dans le flot des urgences. La tentation est alors grande de se replier sur son propre périmètre de responsabilité et de n’intervenir que lorsque celui-ci est concerné. Or il ne s’agit pas seulement de jouer le Directeur Commercial ou le DAF, mais d’être aussi une personne et un membre de Comex.
Tomber dans ces 4 écueils, c’est la certitude que la peur dominera, que l’audace disparaitra et que le collectif ne sera qu’illusion. Certaines instances de direction sont des Commedia de l’Arte écrites à l’avance…. Cela se sent à défaut de se voir.

3 attitudes clés du dirigeant pour surmonter ces paradoxes

Dépasser ces paradoxes nécessite un entretien continu de sa santé physique, son équilibre émotionnel et psychique, doublé d’une solide éthique et de compétences larges. Trois attitudes clés des dirigeants permettent de les surmonter.

L’humilité et la sérénité : ancien patron de Thales qu’il a propulsé au niveau international, Denis Ranque a été choisi parmi les N-3 de son prédécesseur alors qu’il ne visait pas le poste. Il explique avec humilité qu’il a reçu avec surprise ce poste qu’on lui reprendrait le moment venu. Être humble ne signifie pas s’effacer, mais mettre ce qui compte en valeur : réussites, clients, recherche, comportements créateurs de valeur par une attitude d’écoute large, du terrain aux actionnaires. Quant à la sérénité, des études d’avant le Covid montrent qu’elle donne jusqu’à 7 fois plus de chances d’être promu que toute autre qualité.

La volonté, pour réaliser : accepter le job non pour ce qu’il permet d’obtenir mais pour ce qu’il permet de réaliser, par et avec les autres. Une idée claire d’une ambition pour embarquer vers ce cap. L’adhésion authentique à la raison d’être de l’organisation, si présente dans les entreprises familiales, est un moteur majeur. Savoir designer les conditions de réussite organisationnelles (processus et fonctionnement), humaines (relationnelles et promotionnelles) et sociétales, devient le champ d’action indispensable des dirigeants.

La coopération et l’ouverture : face aux enjeux systémiques, Jean-Marie Poimboeuf, 1er PDG de Naval Group a su faire prendre le virage du privé et de l’international à une administration multiséculaire par sa capacité de discuter avec clients, syndicats, pouvoirs publics, managers, tout en fédérant subtilement son Comex à partir de complémentarités.

Si vous aspirez à un poste en Comex, vous devez vous préparer en percevant les enjeux du dirigeant, et dans votre relation avec lui posez-vous 4 questions, prises ensemble :
1 – Où a-t-il ou elle besoin d’être rassuré(e) ?
2 – Comment plaire et séduire un tel dirigeant ?
3 – Comment faire l’hélicoptère entre le terrain et la vision ?
4 – Comment être force de propositions créatrices de valeur ?

Et toujours garder à l’esprit qu’il s’agit souvent du dernier poste avant la sortie !
Comex credit Depositphotos londondeposit

Co. Devenir

Emmanuel Lavergne