Une ambivalence fondamentale

L’être humain est sans cesse pris dans l’ambivalence et la dialectique de son rapport au singulier et au collectif. Nous avons besoin des autres pour subsister mais nous tenons à notre individualité, particulièrement en Occident.

Qu’est-ce que le groupe apporte à l’individu ? Et qu’est-ce que l’individu apporte au groupe ? En tant que consultants, coachs, facilitateurs en intelligence collective ou de co- développement, nous sommes amenés à croiser de nombreux groupes et à observer tout ce que ce mode d’interaction peut apporter et tous les défis qu’il représente.

Le groupe est à la fois une ressource, un miroir et un challenge

Lorsqu’un atelier de travail, un séminaire ou une formation démarrent, nous ne pouvons anticiper comment le groupe nous enrichira en tant qu’individu, comment il nous mettra éventuellement à l’épreuve, ou ce que nous pourrons lui apporter.
Et nous ne nous entendrons pas avec tout le monde bien évidemment.

Observations, vécus personnels et apports de la sociologie ou de la psychologie sociale permettent de dégager huit raisons de considérer les apports du collectif.

Commençons par cette dimension éminemment positive, du groupe comme ressource.

Le groupe comme ressource :

  • Je ne suis pas seul.e dans ma situation : par le partage d’expériences, le partage de situations, nous pouvons non seulement relativiser mais aussi et surtout, nous sentir moins isolés face à un défi, une difficulté, un passage important de notre vie personnelle ou professionnelle.
  • Les autres ont des solutions qui peuvent m’aider : c’est bien sûr particulièrement le cas dans les groupes de partage de pratiques, le co-développement ou tout ce qui relève de l’entraide. Les personnes présentes voient le monde différemment de nous, ont une autre expérience, d’autres compétences, elles peuvent nous apporter des solutions auxquelles nous n’avons pas pensé.
  • Recevoir un soutien affectif « humain » : émotionnellement, le fait de se sentir entouré peut être d’une très grande aide pour traverser quelque chose de difficile. Mais aussi pour puiser de la motivation à avancer, ou de l’assurance en soi et en ses capacités. Bien sûr, ce registre est particulièrement vrai pour des groupes à vocation thérapeutique mais pas uniquement. La présence sans jugement et soutenante du groupe est une vraie ressource.

 

Le groupe, le collectif, est aussi une surface de projections. De nous vers les autres et des autres vers nous.

Le groupe comme miroir :

  • Je projette / on projette sur moi : Le groupe nous met nécessairement en face de nombreux types de personnes, qui vont susciter chez nous des représentations, voire parfois des préjugés (« elle a l’air froide », « il a l’air d’être autoritaire », « je suis sûr qu’elle est snob », « il me fait penser à mon ancien chef »…). Le temps passé ensemble permet de corriger ces effets d’interprétation hâtive et de réfléchir à la fois sur soi-même, sur son rapport aux autres, sur ce que telle ou telle personne nous renvoie. Et bien sûr, cela marche pour tout le monde !
  • Je transfère et on transfère sur moi : dans un registre plus proche du domaine thérapeutique, cette notion de transfert renvoie au fait que l’on peut être amené à réagir face à une personne parce que celle-ci éveille un écho par rapport à quelqu’un d’autre. Notre réaction est alors guidée non par la personne réelle en face de nous mais par cette personne qu’elle convoque en nous. En prendre conscience peut être une belle manière d’avancer et de dépasser un blocage (ex : une difficulté par rapport à un ancien manager, collaborateur ou collègue, un parent, un.e ami.e…)
  • Les résonances personnelles : écouter le partage de témoignages, d’idées ou de propositions faites par les autres peut venir faire écho à un vécu… et stimuler notre propre créativité ou ramener à la mémoire une expérience dont les enseignements peuvent être utiles aujourd’hui. (Ex : une mission de conseil vécue il y a dix ans, au cours de laquelle on avait trouvé une solution efficace pour sortir d’un problème mais dont le souvenir s’était effacé).

 

Enfin, le groupe peut constituer une source de défis et de challenges.

Le groupe comme défi :

  • Ma perception des choses, mes idées ne sont pas universelles : Si le débat n’est pas toujours facile, il n’empêche que la confrontation aux autres nous oblige à réexaminer nos arguments, à accepter que notre perception des choses, notre lecture du monde, nos propositions, ne sont pas nécessairement partagés. Un moyen d’exercer notre esprit critique, de se renforcer mais aussi d’évoluer, ou de découvrir de nouvelles perspectives.
  • Diversité de la nature humaine et ouverture d’esprit : En tant qu’humaniste, je ne saurais laisser de côté ce dernier point qui nous met tous au défi face à des cultures, des représentations du monde, des expériences ou des convictions différentes des nôtres. Si sur le papier il est aisé de prôner la diversité des idées, la tolérance ou la curiosité, nous pouvons nous retrouver dans un groupe, face à des individualités qui nous confrontent. Voire, qui nous font douter. Un défi intéressant qui nous permet là aussi de mettre en perspective nos propres façons de penser et d’analyser le monde.

Conclusion : des aller-retours permanents

Fondamentalement, l’individu et le collectif fonctionnent de manière complémentaire. Et en tant que personne, nous nous enrichissons des échanges avec autrui, nous progressons à la fois dans notre compréhension de nous-mêmes et dans notre ouverture au monde. Pour autant, il ne s’agit pas de vivre en groupe en permanence. Mais de savoir naviguer entre moments solitaires et moments partagés pour se développer sans forcer sa nature mais en acceptant parfois de sortir de sa zone de confort.

Sandra Rocquet
Crédit image : Image par Henning Westerkamp de Pixabay