Comment remettre de l’énergie créatrice dans des organismes figés. Comme les hommes, les organisations ont leur ego. L’intention ne vaut pas l’action, dit-on. Et pourtant, il y a parfois dans le germe de l’intention créatrice la force et l’énergie de transformation et de réalisation de projets exceptionnels. Comment retrouver cette force lorsque les structures se sont figées ?

"Ce que la chenille appelle la fin du monde le sage l’appelle un papillon" Richard Bach

Avant d’être l’Institution la plus visitée de Montréal (2 millions de visiteurs par an, autant que le sanctuaire de St Joseph de l’autre côté du Mont-Royal), l’Espace pour la Vie n’était que la juxtaposition de 4 instituts scientifiques respectables : Insectarium, Planétarium, Jardin Botanique et Biodôme. Chacun différent, chacun avec une forte identité, tous fortement syndiqués. 

Aujourd’hui elle est devenue une des organisations publiques les plus rentables, avec 70% de croissance des résultats, une dynamique de création et un engagement des équipes continus. La Ville de Montréal qui en assure la tutelle, ne s’attendait probablement pas à un tel succès lorsque il y a quelques années, elle a confié à Charles-Mathieu Brunelle, l’actuel directeur, la mission de regrouper dans une vision commune ces quatre organismes.

Si vous allez à Montréal l’été, profitez d’une soirée pour flâner tard le soir dans les extraordinaires « Jardins de Lumière » ou le plus grand jardin chinois hors de Chine…  Peut être distinguerez vous l’esprit qui a animé cette transformation…

Une vision originale du changement 

Pour Charles Mathieu, conduire le changement n’a pas de sens. « Nous passons notre temps à fixer les choses, les repères, les normes, les processus dont nous devenons ensuite prisonniers ». L’enjeu ne serait donc pas tant de développer l’agilité mais d’arrêter de fixer. Pour lui, c’est le principe de la vie qui conduit à un changement continuel.  

Les marins le savent, quitter les repères amène à changer pour un repère plus lointain, celui du sens, de la prévision. Sans un nouveau repère, dit Charles Mathieu, on ne fait que reproduire et donc fixer. Pour cela il faut en revenir à la force de l’intention et à sa profondeur. Et l’intention de départ c’est celle qui donne à la fois le « sens » et la « puissance ».  La « puis-sens ». Cette puissance permet aux personnes de placer l’intention au-delà des règles. 

Si changer de cap est souvent compliqué pour chacun, ce l'est davantage encore pour des organisations entières ! Charles-Mathieu parle de l’ego des organisations. Comme pour les personnes, cet ego, c’est celui qui les conduit à rester dans leur zone de confort, à refuser de prendre le risque de trébucher devant les autres, à se complaire dans leur aura présente quitte à oublier leur futur. Cet ego fournit un équilibre, mais cet équilibre rend statique. Or le changement introduit un déséquilibre. Nous le savons bien dans le coaching ou les recadrages ou confrontations entraînent un déséquilibre que le coach doit susciter et accompagner, mais qui fait progresser le coaché sur des terrains qu’il n’imaginait pas. En cela le leader est un coach de son organisation.

Croiser les mondes pour décaler le regard

Vous connaissez bien sûr le Cirque du Soleil, un des grands noms de Montréal. Avec l’appui du Centre de créativité Mosaic  de HEC Montreal, Charles-Mathieu a accueilli plusieurs mois des artistes du cirque, pour les mettre en contact avec les scientifiques. Démarche très inhabituelle, qui a généré beaucoup de perplexité au départ. A ce moment, seule la présence auprès des scientifiques comptait, aucun objectif de résultat opérationnel n’était exigé. Le véritable objectif : décaler le regard, sortir des repères fixes pour élargir le champ des possibles, arrêter de fixer. Période tendue parfois, mais tensions emportées par l’aura du Cirque à Montréal : elle est telle que les scientifiques ont saisi des interlocuteurs aussi experts qu’eux-mêmes dans des domaines pourtant bien différents ! Quant aux artistes, leur curiosité naturelle, leur créativité et leur sensibilité n’avait guère besoin de consignes pour être mises à profit.

Passer de la confiance à la fierté

Pour arriver à ce résultat, il fallait la confiance des équipes ! Dès son arrivée, Charles-Mathieu a travaillé avec les six cents collaborateurs, qu'il a reçus quatre par quatre, pour « écouter, prendre des notes, comprendre ». Le contact avec le dirigeant est essentiel pour la confiance. Ensuite, souvent tous ensemble, avec pour but de mélanger les quatre organisme avant de  remettre l’intention au cœur de la vision

Lorsque le feu de transformation semblait prêt à prendre, Charles-Mathieu a choisi une réunion de deux jours avec toutes les équipes. Une première journée particulièrement difficile, en dépit du travail réalisé en amont, qui pour l’accompagnateur de HEC Montréal, sent alors le vent de l’échec. Nuit probablement difficile pour Charles Mathieu, dans la solitude de nombreux dirigeants. Un lendemain radieux, par l’intuition fulgurante de Charles-Mathieu, avec une question imprévue qu’il pose alors aux 600 salariés présents : « Qu’est-ce qui fera que vos enfants seront fiers de ce que vous avez fait ici ?"

A la fin de la journée, était née l’intention commune, une nouvelle vision. Avec « Reconnecter l’homme avec la nature ! », la force de l'intention s'est substituée à l'ego des quatre organismes jusqu’alors indépendants, et la grande majorité s’est trouvée dans ce slogan qui claque comme un signe de ralliement

Depuis, avec cette vision commune "Reconnecter l'homme avec la nature", l'histoire se poursuit. Un exemple : en supprimant les bouteilles d'eau minérale en plastique, le chiffre d'affaires a augmenté, même si l'eau du robinet est gratuite au Québec ! Comme me le dit une autre Québécoise : "Vision, Mission Passion !" Et l’Espace pour la Vie a depuis augmenté son CA et ses résultats de 66% et avec deux millions de visiteurs par an fait partie des destinations de choix à Montréal. Bien évidemment, à l’intention s’ajoute la rigueur de gestion et le leadership. La vie c’est le changement !

L’Espace pour la Vie nous amène à trois leçons que je partageais avec mes amis d’Humanage : la nécessaire cohérence entre le sujet d’étude (principe de vie) et la manière de mener cette transformation (principe de vie), la nécessité d’une dose de confiance pour décaler le regard en mélangeant les mondes produire des effets, la puissance du moteur de l’intention transformée en fierté

Pour en savoir plus :  

  • https://www.youtube.com/watch?v=T1vA1bdd55s
  • http://espacepourlavie.ca/enhttp://espacepourlavie.ca/
  • https://www.amazon.fr/Cinq-%C3%A9tapes-pour-transformer-dentreprises/dp/1980736030/

Écrit par : Emmanuel Lavergne